Mais au fait, c’est quoi une prescription ?
Pour faire simple, la prescription c’est le délai dont dispose un justiciable pour saisir la justice. S’il laisse s’écouler ce délai, alors son droit s’éteint et il risque de ne plus être recevable pour agir en justice[1].
Attention : contrairement à ce que peuvent penser certains salariés, un courrier de réclamation ou de contestation, même en recommandé, ne suffit pas à interrompre le délai ! Seule est efficace la saisine du juge.
En droit du travail, quelles sont les délais de prescription ?
En cas de litige avec l’employeur, la durée de la prescription dépend de l’objet du litige.
Voici un bref aperçu de ces durées :
Délai | |
Action portant sur la rupture du contrat de travail | 1 an à compter de la notification de la rupture (article L. 1471-1 du Code du travail) |
Action portant sur l’exécution du contrat de travail | 2 ans à compter du jour où vous avez connu ou auriez dû connaître les faits permettant d’exercer l’action (article L. 1471-1 du Code du travail) |
Action en paiement ou répétition du salaire | 3 ans à compter du jour où vous avez connu ou auriez dû connaître les faits permettant d’exercer l’action (article L. 3245-1 du Code du travail) |
Action en matière de discrimination ou de harcèlement | 5 ans (article 2224 du Code civil) : En matière de harcèlement, c’est à partir du dernier agissement que la prescription commence à courir (voir par exemple Cass.soc. 9 juin 2021, n°19-21931)En matière de discrimination, c’est à partir de la révélation de la discrimination. Lorsque les faits de discrimination perdurent, ce qui est souvent le cas en la matière, l’action reste possible tant que ces faits ne sont pas prescrits ! et le préjudice pourra être réparé sur toute la période considérée, même pour des faits anciens de plus de 5 ans (Cass.soc. 31 mars 2021, n°19-22557). |
Comme vous pouvez le constater, deux éléments sont à retenir lorsqu’il s’agit d’identifier la date limite pour saisir le juge : le délai de prescription, mais aussi le point de départ du délai !
Mais mieux vaut être prudent : en cas de doute sur un droit, il est nécessaire de se rapprocher au plus vite d’un avocat, et ne surtout pas attendre pour cela ! Il vérifiera avec vous la réalité et l’étendue de ce droit, et identifiera clairement le délai dont vous disposez pour saisir le juge.
Attention : En matière de paiement ou répétition du salaire, vous disposer d’un délai de 3 ans pour saisir le juge à compter de la connaissance de votre droit. Il faut aussi savoir que la demande de rappel de salaire sera limitée : vous ne pourrez en effet réclamer des rappels des salaires que sur les trois dernières années à compter de la connaissance des faits permettant d’agir ; ou bien, si le contrat a été rompu, sur les trois années précédant la rupture.
La contestation du licenciement et harcèlement moral : quel délai pour agir ?
On l’a vu, le salarié dispose d’un délai d’un an pour contester devant les juges le bien-fondé de son licenciement. Et, en cas de harcèlement moral, ce délai est de 5 ans. Mais que se passe-t-il alors quand le salarié considère que son licenciement fait suite à des faits de harcèlement moral ? et quel délai de prescription est applicable ? C’est précisément à cette question que la Cour de cassation a répondu dans sa décision du 9 octobre 2024 (n°23-11360).
Dans cette affaire, un salarié avait dénoncé auprès de son employeur des faits de harcèlement moral commis à son encontre. Quelques semaines plus tard, il était licencié en raison d’une insubordination, comportement agressif et refus d’obéir aux ordres. Il décida de saisir les juges, considérant que son licenciement était nul car directement lié à la dénonciation des faits de harcèlement. L’employeur a alors soulevé une irrecevabilité, considérant que l’action était prescrite car engagée au-delà de la durée d’un an.
La Cour de cassation n’a pas été de cet avis : elle retient « que l’action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par cinq ans lorsqu’elle est fondée sur le harcèlement moral ».
Une belle (et logique) décision de la Cour de cassation qui sonne comme une petite victoire pour le droit des salariés qui ont dû subir, par l’effet de lois successives, diverses réductions des délais de prescription !
[1] Article 2219 du Code civil